Nov 3, 2014

Pour réduire les émissions de gaz à effet de serres il faut compter, et cesser de confondre énergie propre et énergie renouvelable.

 Tout le monde accepte que pour combattre les changements climatiques il faille réduire nos émissions de gaz à effet de serre. Les lobbyistes ont compris cette tendance et tous incluent une touche verte dans le déploiement de leurs images corporatives, souvent pour tenter de s’approprier des subventions et crédits carbones alloués aux énergies propres. Avec le temps, certaines faussetés ont été acceptées par tous, et même reprises et appuyées par des organismes voués à la lutte contre les changements climatiques.

Partons de la base, le cycle naturel du carbone.


Même si les processus chimiques impliqués sont extraordinairement complexes et variés, le principe de base est simple : Le monde végétal absorbe le CO2 de l’atmosphère et l’utilise comme une composante de sa croissance. Cette biomasse est ensuite utilisée par tous les éléments de l’écosystème, qui au final retournent une grande partie du carbone capturé dans l’atmosphère.

Une portion significative du carbone capté par le monde végétal est aussi fixé au sol et éventuellement fossilisé. C’est à partir de la combustion de ce carbone fossilisé que notre société moderne c’est construite, brisant ainsi en moins d’un siècle un équilibre biologique bâti sur des millénaires.

Le constat est simple : Les diverses combustions de carbone pour produire de l’énergie relâchent toutes du CO2 dans l’atmosphère. Que ce soit du carbone capté il y a 6 mois par des plantes, il y a 50 ans par des arbres, ou autrement il y a des millions d’années, le résultat est le même.

Donc les bio-carburant ne sont pas carboneutre?

C’est ici qu’il faut compter avec précaution. Dire qu’un bio-carburant est carboneutre parce que le carbone a été capté il y a 6 mois est un sophisme, mais certain bio-carburant pourraient effectivement être carboneutre.

Notez que les exemples qui suivent sont totalement fictifs et ne servent qu’à imager les calculs requis.

Considérons diverses hypothèses de capture du carbone par unité de surface, par exemple un kilomètre carré :

-        Une forêt mature pourrait capter 300 tonnes de carbone par an,[i] une grande partie du carbone est réutilisée dans l’écosystème, et une partie est capturée de façon définitive pour éventuellement être fossilisé, disons 10 %, ou 30 tonnes.
-        Un champ de culture A capte 130 tonnes de carbone par an.
-        Un champ de culture B capte 100 tonnes de carbone par an.
-        Un champ de culture C capte 70 tonnes de carbone par an.
-        Un terrain semi-désertique D capte 10 tonnes de carbone par an.

Première constatation, déboiser une forêt pour cultiver des plantes destinées aux bio-carburants ne sera jamais une stratégie gagnante par rapport aux émissions de GES. C’est encore plus évident si le déboisement se fait par brûlage, les milliers de tonnes de CO2 envoyés dans l’atmosphère ne seront jamais compensées.

Supposons que le champ de culture B représente une exploitation agricole moyenne. Le produit (fruits, graines…) est utilisé pour l’alimentation, et le reste est retourné à la terre. La biodiversité étant plus limité qu’en forêt, une proportion plus importante des résidus restent fixés au sol, disons de 15 à 20 tonnes par an.[ii] Si l’exploitation agricole se fait à partir d’énergie fossile (C’est presque toujours le cas) l’utilisation d’énergie produira 5  à 15 tonnes de CO2 par an. Nous avons donc à priori une exploitation agricole au minimum carboneutre.

Supposons maintenant que les fruits de ces même champs de culture soient destinés à la production de bio-carburant. Même si la culture est carboneutre, le produit doit être transformé pour devenir du carburant, et si le produit est du diesel, sa combustion produit autant de GES que le même carburant provenant de source fossile. Ce bio-diesel doit donc payer la même taxe carbone que le diesel standard puisque son bilan carbone est identique.[iii]

Si la transformation de la biomasse se fait par le biais d’énergie propre, cette portion pourrait être sujette à des crédits carbones, au même titre que du pétrole brut qui serait distillé via de l’énergie propre.

Si les plantes utilisées pour la production de biocarburant capture beaucoup plus de carbone, disons comme le champ de l’exemple A. Il est alors logique de penser qu’il y aura une quantité plus importante de carbone qui sera fixé au sol de façon permanente. Nous passons alors à une capture de 19 à 26 tonnes par an, une amélioration de 4 à 6 tonnes. Si la transformation de la biomasse utilise une énergie qui produit 2 tonnes de CO2, et que le bio carburant résultant en produit 10 à 15, nous avons un bilan global d’émission plus faible que celui d’un carburant d’origine fossile. Une certaine quantité de crédits carbones seraient applicables. Avec des plantes très productives et une transformation utilisant de l’énergie propre, le carburant pourrait même être carboneutre.

Inversement, si les plantes utilisées pour produire du carburant capturent moins de CO2 qu’une exploitation agricole moyenne, disons comme notre exemple C, le bilan carbone devient très mauvais, et une surtaxe devrait être appliquée au produit final.

Le cas des biocarburant de deuxième génération doit être analysé avec une grille de calcul similaire. L’avantage premier de cette méthode est une production agricole qui n’est pas en compétition avec la production alimentaire, seul les résidus étant utilisés pour produire les biocarburants. Le second avantage notable, c’est qu’il y a possibilité d’une plus grande capture de carbone car beaucoup moins de biomasse est retournée à la terre.

Les inconvénients sont par contre de tailles : - Les résidus étant moins riches en énergie potentielle, une beaucoup plus grande quantité de matière première doit être asséchée et distillée pour produire les biocarburants. Ceci implique donc beaucoup plus d’énergie de transformation. – Comme peu de biomasse est retournée à la terre, le besoin de fertilisant est sensiblement augmenté, avec la consommation d’énergie qui doit y être associé. – Les besoins en énergie requise pour la transformation rendront très tentante la production de chaleur par combustion des résidus secs produits. Ce carbone résiduel est très stable et peut être retourné à la terre sans contribuer à la production de GES, mais sa combustion annulerait toute chance d’un bilan carbone utile.

Est-il nécessaire d’ajouter que la production de chaleur par combustion du bois ou des résidus agricoles séchés n’est pas carboneutre, et encore moins la production de carburant à partir de déchets.

Un biocarburant carbo-négatif est il possible?

Il est possible d’augmenter de façon dramatique la capture de carbone. Il faut simplement transformer une terre aride, comme notre modèle D, en un lieu de culture productif, voire intensif. Pour que cette action soit nettement carbo-négative, il faut que l’énergie utilisée soit sans émission de GES, quelques exemples :

-        Une zone désertique est irriguée via du pompage éolien.
-        Des serres de culture sont implantées en milieu nordique, le chauffage requis est solaire.
-        Des serres de culture en 3D fonctionnant principalement à partir de la chaleur et des surplus (la nuit) d’électricité des centrales nucléaires.

Quelles activités devraient profiter des crédits carbones :

-        La production de biocarburant est utile pour les pays ayant peu de ressources naturelles, mais son utilisation doit être taxée au même niveau que celui des énergies fossiles équivalentes. Par contre, tout ce qui améliore la capture du carbone en amont doit être supporté par des crédits, en particulier les serres de culture nordique et 3D qui favorisent aussi la sécurité alimentaire et la culture de proximité.[iv]
-        La production de ciment émet des quantités importantes de CO2 et doit être taxée en conséquence, mais inversement, les constructions en bois assurent une séquestration carbone efficace et devraient recevoir des crédits dans ce sens.
-        Il ne faut pas confondre énergie propre et énergie sans émission de GES. Le gaz naturel est mille fois plus propre que le charbon et il doit être favorisé partout où c’est possible, mais si on calcule les fuites furtives de méthane, il ne comporte aucun avantage par rapport aux émissions de GES.
-        Inversement, l’énergie nucléaire ne peut pas être considérée comme propre par rapport aux embarrassants déchets qu’elle produit, mais n’en déplaise aux écologistes, elle est sans émission de GES et devrait être supportée massivement par des crédits carbones.
-        L’automobile électrique doit être supportée par des crédits là où l’électricité et propre, mais pas lorsque celle-ci provient du charbon ou du gaz.
-        Dans beaucoup de cas, la co-génération produit des réductions significatives de GES qui justifient des crédits carbones importants.[v]

Finalement, le plus important c’est de bien compter.[vi]



[i] Entre une forêt boréale et l’Amazonie, le captage de carbone peut varier d’un facteur de dix pour un. Tous ces chiffres sont fictifs.
[ii] Une autre partie des résidus restera au sol pour une période prolongé, mais non permanente. Si ces résidus perdurent le temps de quelques récoltes, il y a une capture de carbone cumulative qui peut rendre l’exploitation agricole plus carbo-négative.
[iii] Un gouvernement peut choisir de subventionner les bio-carburants dans un contexte d’autonomie énergétique, mais il ne doit pas utiliser la taxe carbone pour soutenir cette politique.
[iv] Les importantes sécheresses qui frappent actuellement la Californie, et précédemment le centre des États Unis, sont des avertissements à ne pas négliger.
[v] Voir un article sur ce sujet : http://www.wind-can-do-it.blogspot.ca/2014/06/reduire-les-emissions-de-gaz-effet-de.html
[vi] Cette discussion demeure très théorique. Pour qu’une taxe carbone ait une influence significative sur le réchauffement global, il ne faut pas émettre des droits, mais bien taxer 100% des émissions à la source. Cela n’arrivera pas à brève échéance.

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