Soyons bien clair, nous ne nous débarrasserons pas des
énergies fossiles dans deux ou trois décennies. Dans cent ans, nous utiliserons
encore du pétrole et du gaz. Le problème immédiat n’est pas de tenter
d’éliminer les émissions de carbone à court-terme, mais de freiner leurs
croissances.
Dans la lutte aux émissions de gaz à effet de serre, les
détracteurs utilisent souvent l’intermittence des énergies éoliennes et
solaires comme un argument de non-viabilité à long-terme.
Bien sûr ils ont raison. Dans le contexte actuel,
toute demande excédentaire d’énergie doit être compensée par une nouvelle
capacité de production modulable avec la demande. Dans 95% des cas, il s’agit
encore d’énergie fossile.
Prenons un réseau qui à besoin d’une capacité supplémentaire
de 100 Mégawatts. Déjà le problème se pose mal :
-
Installer une capacité nucléaire de 100 MW produira presque
toujours sa pleine puissance, sans égard à la demande.
-
Installer 100 MW de capacité basée sur la combustion du gaz
naturel offre une électricité complètement modulable et économiquement
autosuffisante.
-
Installer 100 MW de capacité éolienne produira annuellement la
moitié de l’électricité de l’installation au gaz, elle nécessitera des
subventions importantes, et elle n’empêchera pas l’installation d’une unité de
production thermique modulable avec la demande.
Bien sûr ils ont tord. L’objectif à court-terme n’est
pas (et ne peut pas être) de devenir 100% propre et renouvelable. L’objectif
premier est de stopper la croissance de la production d’énergie polluante et
émettrice de gaz à effet de serre. Par la suite, il faudra gérer la
décroissance des émissions de GES en étant réaliste et en admettant que dans
cent ans nous brûlerons encore du carbone pour produire de l’énergie.
L’installation de 100 MW d’éolien se fera donc concurremment
à l’installation d’une unité thermique de même capacité, mais elle ne réduira
les émissions de GES de celle-ci que de 50%. Nous avons donc le problème
suivant : Pour compenser la production de GES d’une nouvelle capacité de
100 MW, il faut 200 MW d’installations éoliennes subventionnées, plus une
nouvelle centrale thermique de 100 MW qui ne fonctionnera qu’à 50% et qui
exigera un prix plus élevé pour sa production; et une centrale existante qui
elle aussi devra réduire sa production de 50%, avec ses propres exigences
d’ajustement de prix.
Un problème d’argent. Cette démonstration démontre
clairement que le problème de base n’est pas l’intermittence, mais le coût de
production de l’énergie propre.
Dans une économie de marché, la valeur d’une source
d’énergie intermittente serait d’environ 50% la valeur d’une source d’énergie
modulable. Ainsi un réseau qui se fournirait principalement avec de l’électricité
de source thermique à 6 cents par KWh achèterais abondamment de l’énergie
éolienne à 3 c/KWh si elle était disponible. Après quelques années, jusqu’à 50%
de l’énergie utilisé par le réseau serait de source éolienne, et la sous
utilisation des installations thermiques porterait le prix de cette énergie à 7
ou 8 cents. La demande d’énergie primaire thermique diminuant, le prix du brut
(gaz ou charbon) baisserait légèrement, contribuant à maintenir la rentabilité
des centrales thermiques qui resteront toujours nécessaires. Au global, il y
aurait une pression à la baisse sur le prix de l’électricité qui pourrait même
se rendre aux consommateurs.
Ce modèle idéal semble farfelu? Le vent et le soleil étant
gratuit, cela est réalisable. Par exemple, après leurs périodes
d’amortissement, les éoliennes géantes pourraient fournir de l’électricité à 3
c/KWh, malheureusement leurs durées de vie ne soit pas calculées pour cela.
Plusieurs autres solutions d’énergies propres en développement promettent d’atteindre
cet objectif de coût de l’électricité. Celle qui va l’atteindre et qui va
commercialiser son concept en premier va avoir une croissance mondiale
exceptionnelle.
Et l’accumulation d’énergie? Le problème de
l’accumulation de l’énergie est identique, pour être viable, il a besoin d’un
modèle d’affaire réaliste.
Prenons le coût de production actuel des installations
récentes d’énergie éolienne, environ 8 cents par KWh. Avec un système
d’accumulation efficace à 80%, le coût de retour du kilowatt de base passe à 10
cents. Ajoutons 2 cents de frais d’opération pour le système d’accumulation
d’énergie et un cent de profit pour chaque activités. Qui voudra de cette
énergie à 14 c/KWh?
Ce ne sont pas les systèmes d’accumulation d’énergie qui
sont inexistants, ce sont leurs rentabilités dans une économie de marché qui
pose problème.
Les Français et les Suisses l’ont comprit depuis longtemps.
Les installations nucléaires produisent aussi de l’énergie qui n’est pas
modulée avec la demande. Dans ce cas, la production de base paie les frais et
génère les profits désirés, mais il y a hors pointe une grande quantité
d’énergie gratuite. (Nous reviendrons sur le concept d’énergie gratuite.) Ce
surplus d’électricité est vendu à très petit prix aux barrages hydroélectriques
qui ont des capacités de pompage. Par la suite, l’énergie accumulée est
revendue au prix fort aux heures de pointes, sans besoin de subvention.
J’ai déjà présenté un modèle qui favorise la migration vers
les énergies propres et leurs accumulations pour les ajuster à la
demande :
Avec un coût de production de l’énergie éolienne de 2 à 3
c/KWh, il serait possible de vendre l’électricité le jour à 5-6 cents, et la
nuit à 1 cent pour le stockage.